"Le Muezzin appelle du minaret pendant que les cloches de l'église sonnent en même temps"
Lucie Lecacheur est partie pour un service volontaire européen (SVE) de six mois à Kljuc, Bosnie Hezégovine, en Fédération Croato-Musulmane. Dans le "Centre Kosmos", elle devait travailler dans un centre avec des enfants réfugiés. Mais, en arrivant dans son projet, le centre était fermé (depuis 2006) et elle n'avait pas de travail. Magré cela, elle a réussi à passer un séjour enrichissant.
Globules : Pourquoi as-tu choisi de passer ton SVE en Bosnie ?
Lucie Lecacheur
: Au début, je n’avais aucune idée précise pour un pays en particulier.
Je n’associe pas le Service Européen à une agence de voyage, c’est
pourquoi je privilégiais le choix du projet au choix d’un pays. Puis
lors de mes recherches, pour mon SVE, j'ai découvert un projet en
Bosnie, extrêmement intéressant, qui m’a donné envie d'y aller. De
plus, je souhaitais un pays qui n’avait aucun lien de près ou de loin
avec moi, un pays inconnu. Et enfin, sur le plan professionnel, je
souhaite m’orienter dans le développement humanitaire. En bref aller en
Bosnie, s’avérait combiner toutes mes attentes.
Globules : Quel était ton projet ?
Lucie Lecacheur
: Il était prévu que je travaille avec des enfants réfugiés, mais, en
arrivant à Kljuc, j'ai découvert qu’il n’y avait rien de réellement mis
en place pour que je travaille. Je n’avais aucune obligations, ni
responsabilité... C'était donc à moi de monter un projet, pour que je
puisse m’occuper. J'ai proposé diverses idées à ma directice : faire
des « marionnettes-doigts »,monter une campagne de sensibilisation
auprès des populations locales, faire un festival de Feu, etc... Mais
toutes mes propositions ne furent pas suivies. Au point de vue de
travail, le projet fut donc un peu décevant parce qu'il n'y avait pas
ou presque pas d’activités prévues pour moi. Cependant, suite à une
demande auprès de ma tutrice, j'ai assisté plusieurs fois à des cours
d'anglais au collège et à l’école primaire. J'ai aussi organisé un
atelier pour des enfants (durant une matinée) sous la demande de ma
directrice. Pour cela, j’ai préparé des bolasses en tissu pour leur
faire une initiation au jonglage et je leur ai peint sur le
visage, les mains…
Et enfin mon organisation m’a permis de
participer à différents programme européens, à Kljuc en Bosnie, mais
aussi dans les pays voisins. Par exemple en Macédoine, j’ai participé à
un « échange de jeunes » (Youth Exchange) sur le thème "Postcards in
Europe" (dessins, peintures, jeux, activités sur le thème de l’Europe).
En mai par exemple, j'ai participé à un second échange à Kljuc dont le
thème était "Learning is an adventure" avec des activités sportives
dans la région. Mais ce qui m' a le plus intéressé, c'était un
séminaire, plus sérieux, sur "Conflit et Réconciliation" où il y avait
des débats, des discussions et des exposés. Les participants venaient
de toute l'Europe, Georgie, Espagne, Serbie, Bosnie Arménie, Italie,
Pologne, Allemagne etc… Cette semaine fut très enrichissante.
Globules : Qu'est-ce que tu as fait à côté de ton projet ?
Lucie Lecacheur
: J’ai beaucoup voyagé en Bosnie, mais aussi en Croatie, Macédoine et
en Serbie( festivals de musique). Ainsi j'ai pu visiter Belgrade,
Skopje, Zagreb, et Sarajevo. Ces villes et pays sont vraiment
magnifiques. Sinon la plupart de mes temps libres, je le passais avec
des amis bosniaques, serbes, croates, macédoniens, ou avec les
volontaires SVE venus de toute l’Europe, que j’ai pu rencontrer durant
mes formations (arrivée et mi-parcours). J’ai aussi participer à
plusieurs manifestations locales là-bas telle que le Régate de Rafting
de Kljuc.
Globules : Comment as-tu appris le bosniaque ?
Lucie Lecacheur
: J'ai eu un cours de bosniaque, mais la première personne
chargée de me l’enseigner n’était pas compétente et la compréhension
était difficile comme nous n’avions aucun langage en commun. Par la
suite, j'ai continué les cours avec ma directrice, mais ils n’ont à
peine duré plus d’une semaine.
Au début de mon SVE, j'était très
motivée pour apprendre le bosniaque, seulement, avec l’absence de
projet celle-ci s’est très vite dissipée. C’est seulement à la
fin de mon SVE, que je me suis reprise en main, j’ai retravaillé seule,
et j’essayais de communiquer en bosniaque et non en anglais avec la
population locale. Avant mon départ, je commençais alors à parler.
Globules
: Quand on entend "la Bosnie", on pense tout de suite à la guerre, les
conflits dans la région... As-tu encore remarqué les conséquences de la
guerre ?
Lucie Lecacheur : Sur le plan matériel,
l’impact de la guerre se perçoit très vite, destructions des maisons,
impact de balles etc … Sur le plan humain les choses bien
malheureusement restent encore compliquées…. Avant même de partir
là-bas, je savais la posture que je voulais adopter. Je suis partie en
tant que volontaire pour 6 mois, je trouvais impudique et irrespectueux
de me permettre de soulever certaines blessures par des questions
maladroites sur quelque chose que je n’ai jamais connu, et que seuls
ceux qui l’ont vécu peuvent vraiment le partager. La plupart de mes
amis de mon âge, avaient perdu leur père durant le conflit, et ce n’est
jamais de leur bouche que je l’ai su. Durant mon séjour, j’ai eu
l’occasion de visiter le musée à Sarajevo sur ce conflit, et j’ai aussi
entendu des personnes s’exprimer sur ce sujet. J’ai été témoin de
plusieurs discours différents, contradictoires, opposés, neutres etc.…
Mon manque de connaissance à ce sujet, fait que je m’abstiendrai de
défendre ou juger telle ou telle opinion et encore plus d’exprimer ma
propre opinion.
Globules : Quelle influence ton SVE a-t-il sur ta vie d'aujourd'hui ?
Lucie Lecacheur
: Personnellement, ce séjour fut très enrichissant et important
pour moi. N’ayant jamais voyagé auparavant j'ai ouvert mes yeux sur une
culture différente, j'ai appris le sens du mot « hospitalité » en
Bosnie. Le SVE permet aussi de briser les préjugés, depuis mon retour
j'essaie à mon échelle, de changer l'image de la Bosnie,
malheureusement encore pleine d'idées préconçues.
Je pense que le
SVE change énormément un individu, après pour l’expliquer c’est assez
compliqué. Ce n’est pas du matériel, ce n’est pas palpable, ça reste
difficile a décrire. En tout cas, je ne regrette pas d'avoir fait mon
SVE en Bosnie, malgré l'absence du projet, j'ai appris mille choses
là-bas et je conseille à tous de faire un SVE !
Professionnellement,
mon SVE en Bosnie m’a beaucoup apporté. Mon niveau d’anglais a
progressé, j’ai désormais des notions de bosniaque, et compte bien
prendre des cours bientôt pour maîtriser cette langue. Et qui sait peut
être qu’un jour je serai amener à travailler dans le développement des
pays de l’Ex- Yougoslavie ! Quoiqu’il en soit j’ai créer des liens très
fort là-bas et dans les autres pays que j’ai pu découvrir, et je compte
bien aussi y retourner dès que j’en ai l’occasion.
Daniel Hadwiger